L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°79 Sep 2011

MARC BRUNOY EST SON NOM

UN MULTICARTE SUR TOUS LES FRONTS

Des débuts pourtant prometteurs comme chef au rayon tambouille du groupe Nice Matin alors qu’il nous fait découvrir quelques tables discrètes qui n’ont que bien rarement les honneurs des médias. Sauf qu’en honnête successeur de Jacques Gantié dans la fonction, il aura vite pigé les limites de la mise en pratique de la déontologie dans le métier. Ainsi, on retrouve désormais dans ses diverses initiatives l’intégralité (ou presque) des déformations dont souffre la profession de critique gastronomique. Qui fait que la confiance du lecteur s’enfuit à toutes jambes, qu’il ne se fait plus aucune illusion sur le contenu de ce qu’il lit, écoute, voit pour tenter de s’informer. Les guides et le reste. Liste.

LIVRE

Loin de manger dans tous les restaurants dont il cause, il joue avec les mots pour laisser croire que. Pour preuve, son dernier pavé « un an de restos, 365 tables qui méritent le détour«  enfonce le clou dans la légende des guides qui référencent des tables non testées dans l’intégralité, à l’instar des miche, gomillo, champérard, bottin gourmand et consorts. On ne change pas une méthode qui ne gagne pas! Un an de restos! Un par jour! Jamais un mauvais sous la dent! Incroyable! De qui se moque t’on? Du lecteur? C’est réussi!

PRESSE

Par ailleurs, une des dernières tartines en forme de saillie flagorneuse de notre préposé au bavardage sur le microcosme de la toque régionale aura lieu dans le supplément télé Var Matin du 7 août au 13 août 2011. En l’honneur de Stéphane Lelièvre des Pins Penchés à Toulon. Ça faisait longtemps. Une page entière, six photos, aucun détail de son repas et pour cause! Marc Brunoy n’aura pas résisté longtemps à la pression de sa direction pour ranger le biznessman Lelièvre dans la liste des têtes intouchables du département. C’est que vous comprenez, le taulier des « Pins Penchés » connait du monde, beaucoup de monde. Le problème de ce publi-rédactionnel à la gloire du chef, par ailleurs réputé parmi ses pairs du canton comme ayant réussi le tour de force d’être « le plus connu et le plus moyen » est qu’il sent trop la commande, l’effort, la sueur. Marc Brunoy écrit comme on marche à reculons. La conclusion de l’article confirme, fleurant bon le parfum du dossier de presse (im)posé sur le coin du bureau. Quand dissertant sur le cas « pins penchés » le gratte-papier de Nice-Matin signale dans un dernier jet anodin qu’à « l’horizon 2015/2016, un palace de 80 chambres verra le jour dans ce domaine hors du temps ». Annonce ajustée et impeccable pour amadouer les banquiers frileux. Ou comment un rédacteur se retrouve instrumentalisé. C’est décidément très compliqué d’être un journaliste libre dans le monde de la presse industrielle.

TÉLÉVISION

On l’aura vu dans l’émission « Cauchemar en cuisine » du 19 avril 2011 s’essayer à quelques fades commentaires, face à un restaurateur de Fontvieille (13). Plus récemment, il intervient dans un « reportage » diffusé dans le JT de 20h de France 2 du dimanche 14 août 2011 pour déglinguer un mauvais restaurateur. Vu le temps imparti à l’analyse (le « reportage » dure 3 minutes) et exonéré de la moindre des nuances, le propos tombe forcément dans la caricature. Bien sûr Marc Brunoy n’est pour rien dans le montage absurde qui n’est pas fait pour offrir du discernement au téléspectateur. Mais il le cautionne en représentant l’autorité légitime non masquée.

Car il pourrait s’il le voulait, dissimuler son minois de critique gastronomique qui passe à la télé, se faire flouter à l’image. Le défaut est porté avec autant de légèreté par le poilant Pierre Psaltis de la Provence, nous en avons déjà parlé. Au BàO, on pense un peu naïvement qu’il est mieux lors d’un repas anonyme qu’on ne reconnaisse pas le visage du testeur. Seulement voilà: de la même façon qu’un Alain Ducasse au début des années 2000 a fait croire au monde entier qu’on pouvait posséder plusieurs restaurants sans être aux fourneaux et faire payer l’addition comme s’il y éminçait lui-même les oignons, les critiques gastronomiques tentent aujourd’hui de faire passer le message comme quoi il n’est pas nécessaire d’être anonyme pour effectuer un bon test de restaurant. C’est tellement plus simple, tellement plus pratique, tellement plus convivial, tellement plus tellement. Marc Brunoy s’inscrit sans ambigüité dans cette mouvance quasiment générale dans la profession, il faut bien le dire.

Et puis pourquoi Marc Brunoy ne dénonce t’il pas les mauvais restaurants par écrit puisqu’il en fréquente dans la télé? Comme le BàO! Plus on serait de fous, plus on s’amuserait! On veut des noms! On connait la réponse susurrée avec dédain de la part d’une corporation de journalistes de plus en plus en décalage de la réalité vécue des gens « normaux » qui fréquentent les restaurants et qui eux, tombent sur des mauvais. L’argument est le même, à chaque fois: « moi, je ne parle que des bons… ». Commode.

Olivier Gros