L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°48 Déc 2003

Pas touche aux chefs

UN COMPLEXE EN TOQUE

Alain Delon, Johnny, les « Américains », les juifs, les musulmans, les catholiques et les protestants, les bouddhistes, les journalistes, les médias, l’équipe de France, les hommes politiques et encore plus les femmes, les musiciens, écrivains, cinéastes, peintres, les critiques eux-même bref : tous les acteurs de la société la subissent, cette fameuse critique. Presque tous. Car il y a une chose qu’on ne peut pas critiquer. Un aspirateur. Passez au crible ce charmant appareil. Pour peu que vous bénéficiiez d’une diffusion importante de votre journal, illico les foudres de la suspicion vous dégringolent sur la tête. Vous avez écrit que l’aspirateur Samsung faisait beaucoup trop de bruit à votre goût ? coûtait bien trop cher pour ce qu’il avalait ? et tombait facilement en panne ? Alors le parano du complot, l’épinglé vous bigophone en colère. Pour dire : « qui c’est qui vous envoie pour nous démolir ? Moulinex ? Tornado ? ». Ou alors : « vous n’y connaissez rien en aspirateur ! ». Aussi : « vous allez mettre des gens au chômage ! ». Mieux : « vous en avez déjà fabriqué, vous, des aspirateurs, monsieur le critique ? ». Sans parler des « menaces et compagnie »*. Mais je vois d’ici vos yeux ronds : que vient faire cette histoire d’aspirateur dans les lignes du BàO ? C’est qu’en France, à l’instar de l’aspirateur et du commerçant en général, le restaurateur est intouchable. Incriticable. Par ailleurs souvent encensés pour d’autres raisons dans la corporation de la cuistance, les Anglo-saxons ont de l’avance sur le sujet. Voyez le nombre de parutions qui alpaguent le monde de la toque outre-atlantique ! Autant que pour les aspirateurs ! Et puis, pouvez-vous citer d’autres pays que la France où existent les fameux « tribunaux de commerce » ? Véritables « juge et partie » vu qu’ils sont composés de…commerçants ! Bref ! Le chef hexagonal n’est pas loin de penser que le critique est nuisible. Surtout celui qui fait son boulot quand il épingle les tables qui ne lui plaisent pas. Et puis hein, entre-nous, un bon coup… d’aspirateur pour faire disparaître les plumes acides du BàO, celles qui dépassent un peu trop de l’édredon douillet où s’entassent les « guides gastronomiques » convenus… et on n’en parlerait plus ! Les chefs dormiraient tranquilles ! La toque bien au chaud, bien calée ! Allons ! Soyons optimistes ! Par bonheur, on rencontre encore et toujours des restaurateurs qui respectent les clients et leur métier, sans se prendre pour le centre du monde.    

Olivier Gros


*Lire l’OS ET L’ARETE de Paul Bianco dans le N°45 ou sur le site Internet : www.le-bouche-a-oreille.com.