L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°74 Juin 2010

QUI VEUT GAGNER DES MILLIONS?

« La maison n’accepte pas les chèques, et les cartes bleues à partir de 20€ ». Voilà ce qu’on peut lire parfois. Une façon déguisée de marquer son territoire, de montrer qui est le patron. Pour un peu on se croirait dans une BD de Lucky Luke, quand sur le panneau d’accueil à l’entrée du village est inscrit: « ETRANGER, ICI TU N’ES PAS LE BIENVENU », avec un vautour posé dessus. Voyez? Bref! En tous cas, une profession de foi sur le mode de payement souhaité de plus en plus fréquemment observée dans nos pérégrinations, et dernièrement au restaurant « The House » sur le Port de Toulon. Autant dire que si la boutique n’accepte ni les tickets-resto ni que vous fassiez la vaisselle, partir en courant ou payer en espèces reste votre seule issue. Cette dernière possibilité étant d’évidence l’objectif de la stratégie. Vous comprenez monsieur, avec toutes ses charges et patati et patata. Après tout, le refus d’un chèque par un commerçant est compréhensible: risque d’impayé, chéquier volé… Mais la raison d’un refus de règlement par « carte bleue » quand l’appareil est à disposition dans le restaurant reste inconcevable. Surtout si la maison ne prend pas les chèques! Mais faut savoir que nos chers banquiers prennent une chère commission (en vérité très variable) sur la transaction marchande. Et que suivant les banques, une surtaxe est possible quand la transaction est d’un faible montant. Aussi, les banquiers louent ou vendent au commerçant le « terminal », là où on tape notre code. Et qu’une communication téléphonique est facturée au commerçant quand l’accord de la banque est nécessaire. Un cumul de sommes, les gouttes d’eau font les rivières. Seulement voilà: lors de nos déplacements quotidiens, nous remarquons souvent que le restaurateur consciencieux ne fait pas la fine bouche: il considère la CB comme un service. Il sait que ses tarifs affichés doivent tenir compte des frais de la maison, comme le repassage des nappes, le détergent pour la vaisselle ou l’électricité. Ou encore comme les frais bancaires qu’il est en droit de considérer comme abusifs et iniques. Mais c’est une autre question. Tandis que le restaurateur plus malin que les autres objecte que le service CB « est trop cher » alors que souvent sa cuisine est d’un mauvais rapport qualité prix. Comme par hasard. C’est souvent le même qui considère que ses employés aussi coûtent trop cher. Et le premier à acheter du filet de bœuf hollandais ou belge reconnu pour sa piètre qualité. Il n’oserait pas la servir à ses enfants, mais les clients, c’est papareil. La morale est sauve. Bref! Le consommateur est pris en tenaille entre un système bancaire en position de monopole de fait, et le restaurateur peu scrupuleux.

Olivier Gros