L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°74 Juin 2010

N’OUBLIONS JAMAIS…

QUE MICHELIN FABRIQUE DES PNEUS!

La fronde gagne du terrain dans les cuisines. Les chefs aux ongles usées et aux doigts accablés pigent de moins en moins les rouages de la mécanique du marchand de pneu. Mais beaucoup parmi eux continuent leur procession de pénitents allant prier en douce pour qu’on cause de leur table dans les couloirs astiqués du bibendum. Cette année à l’occasion de la grand’messe de la sortie du miche des journalistes connus (donc nationaux, donc souvent parisiens) s’égosillent la révolte sur les ondes radio tel Jean-Luc Petitrenaud sur Europe 1, ou font rougir le stylo en sortant un guide « anti-michelin » tel Périco Légasse de l’hebdo Marianne. Ils mettent les pieds dans le plat et les mots pour le dire, armés des mêmes arguments avec lesquels nous autres laborieux du BàO serinons nos fidèles lecteurs depuis 20 ans à coups de trimestriels papier*.

Chaque année, on assiste résignés et passifs à une nouvelle couche d’incongruités dans le pavé rouge! Le scandale des restaurants non ouverts et pourtant étoilés: Ostende 2005, l’assiette du marché à Lille en 2006. Et d’autres. Puis le scandale du faible nombre de testeurs (ils seraient moins de 10) pour le nombre d’établissements référencés: 3453 restaurants et 4104 hôtels. Ce qui expliquerait l’approximation de certaines informations contenues dans les saintes pages du miche. Aussi et affichée désormais, la connivence d’intérêts entre franc-maçonnerie et gastronomie: la majorité des « grandes » toques y possède son ticket d’entrée, et depuis longtemps. Vous comprenez, il vaut mieux faire partie du club pour les affaires, mais vous faites comme vous voulez, vous êtes un homme libre.

On a déjà causé de tout ça mais cette année, changement de mélodie! Nouveau credo! Les grandes gueules du commentaire gastronomique rouspètent comme quoi les grands groupes financiers bénéficieraient en priorité des largesses du miche! Les chefs montés à 3 étoiles et en épingle (Passédat à Marseille en 2009, Gilles Goujon en plein pays cathare en 2010) ne sont qu’alibis folkloriques et arbres qui cachent la forêt d’incohérence d’un guide rouge soumis à la loi du marché: bisness is bisness! En France comme à l’étranger! A l’étranger comme au Japon où faut savoir que l’ambition du guide rouge est de pénétrer le marché de Tokyo en…pneumatiques! Ben oui! Michelin! Ça vous fait penser à quoi d’abord? Plus marketing que ça tu meurs!

Pour la France, faisons un petit calcul. Les as de la calculette savent parfaitement que le « marché français » peut difficilement supporter plus de 26 triples étoilés. Pour la bonne raison que la clientèle ayant les moyens de fréquenter régulièrement les niveaux de tarifs proposés par ses maisons n’est pas extensible. Un triple étoilé de plus dans la liste, c’est une part du gâteau à une toque supplémentaire. Et 4% « de chiffre » en moins pour les copains. Autrement dit, Gilles Goujon peut remercier Veyrat d’avoir balancé ses étoiles avec l’eau du bain!

Les enjeux pour qui décroche le pompon sont tels que les pressions sont énormes, le lobbying le sport préféré des attachés de presse et des réseaux d’influence. C’est la dure loi du sport. Et de l’argent. Ça ne nous rend pas forcément triste: le BàO a compris depuis belle lurette que le miche ne parlait plus de gastronomie depuis fort longtemps! Sauf que cette année, Petitrenaud et Périco Légasse semblent enfin découvrir enfin les mensonges de la célèbre firme de Clermont-Ferrand.

Olivier Gros


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