L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°73 Mar 2010

LES MENACEURS

Comme le notait souvent Paul Bianco fondateur du Bouche à Oreille, « dès qu’on met les pieds dans le plat, on se prend une volée de bois vert de la part du restaurateur qui s’estime injustement critiqué ». Récemment, c’était le taulier de « l’atelier de Michel Mehdi » à Salon de Provence qui nous tançait au téléphone, pas bien content de s’être fait épinglé par nos services: « de quel droit? », « je vous ai pas demandé de me critiquer ni de faire un texte! ». Encore plus intéressant: « les autres guides se présentent ». Puis tombent les menaces de lettre recommandée et d’avocat. Pareil et plus proche dans le temps, Arnaud Lafargue du « Café de la Banque » à Marseille. Qui prit d’une colère noire au bout d’un portable, me somma de ne plus paraitre dans le BàO, force menaces et compagnie. Sans doute croit-il que nous ayons besoin de son avis pour définir le contenu de nos pages? Son attitude prend une saveur supplémentaire quand on sait qu’il possède un maroquin à l’UMIH locale, c’est vous dire la vétusté de ce syndicat. Mais le point commun de ces deux chefs d’entreprise bien peu informé sur « la liberté de presse » est d’avoir eu les honneurs des guides du temps de leur splendeur respective: La Petite Maison à Cucuron pour le premier au début des années 2000, et La Garbure à Marseille pour le second, dans les années 80. Et naturellement, de bien connaitre les ubuesques secrets des référencements et les méthodes de travail poilantes des guides « sérieux et reconnus ». Alors bien sûr, nos rudes méthodes de travail changent leurs habitudes de boutiquiers soumis aux lois des graphiques de comptabilité. Et flingue les certitudes emmagasinées dans les années 80 quand pigeonner l’amateur de restaurant était un jeu d’enfant, quand les restaurateurs tétaient goulument la carte bleue des clients! Les années-fric où chefs et guides apprenaient main dans la main à se liguer contre le cochon de payeur pour mieux le dévorer mon enfant! Comment ça? Le Bouche à Oreille? Un guide qui écrit ce qu’il pense après avoir mangé? On aura tout vu! C’est quoi ces méthodes de voyous qui font ce torchon de BàO? De mon temps les guides se présentaient systématiquement! Et on se mettait d’accord pour la note par téléphone! Pas forcément besoin de casser la croute! Et puis quoi encore? Le client paye et pis c’est tout! Il a le droit de la fermer pour le même prix! Alors quand il hurle « j’ai une affaire à faire tourner! » ou quand il menace, monsieur Lafargue du « Café de la Banque » devrait peut-être réfléchir sur ses rognons peu séduisants et sa ganache chocolat trop sucrée! Mais en France, le commerçant n’accepte pas la critique! Ou alors faut dire du bien et encore après autorisation! De ce point de vue, les Anglo-saxons ont de l’avance sur nous! Mais les temps changent: parmi la nouvelle génération de cuisiniers nombreux sont ceux qui ont bien pigé qu’une critique avisée était utile pour le bizness! Car seul le client fait vivre un restaurant, pas les commentaires des guides. Guides qui, il est bon de le rappeler, sont avant tout des clients… quand ils payent leur repas.

Olivier Gros