L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°49 Jan 2004

La France qui peut s’enorgueillir de posséder les plus grands vignobles et crus de la planète ne peut pas s enorgueillir de la même manière de ses citoyens consommateurs. Pour faire court, on l’apparentera à un grand connaisseur de bibine plutôt qu’à un goûteur averti d’élixir. Il semble avoir du vin rosé une soudaine passion. Largement établi dans les restaurants à longueur d’année, au point d’en avoir fait mes pénates, je m’amuse à comptabiliser en pourcentage, ceux qui choisissent plutôt du rosé quoi qu’ils mangent. Au pied levé, mes statistiques globales et à vue de nez, vont chercher au minimum 80 %. Expliquez moi, braves gens et gentils damoiseaux, pourquoi vous buvez autant de rosé ? Alors qu’en matière de sous-produit, on ne peut pas faire pire ! Il doit bien y avoir une explication à cet engouement ! Il doit bien y avoir un petit détail qui m’a échappé ! Ne pas faire partie d’une majorité aussi écrasante prouve que je n’ai pas tout compris. Au hit européen des buveurs de rosé, les français arrivent largement en tête. A tel point que ce liquide où on se voit à travers est devenu une véritable coqueluche de ce Français là ! Pour illustrer mes allégations, il n’est que de lire la suite. Elle est édifiante ! L’autre jour, dans un restaurant, quatre tables sont occupées par quatre familles en vacances entre la Noël et le jour de l’an. Y avait des italiens qui buvaient du rouge, des allemands également et des belges du blanc car ils mangeaient du poisson. Puis, il y avait une famille de français. Un couple à la quarantaine bien sonnée, donc en âge de comprendre et d’apprécier, accompagné de deux grands enfants. Hé bien que croyez-vous qu’ils buvaient ? Du rosé bien entendu ! Seule nationalité à boire du rosé ! Seraient-ils devenus hostiles au vin rouge par réaction, trop gâtés par les grands crus, par la mauvaise réputation de ce gros rouge qui tache et qui a longtemps entaché la couleur où tout simplement qui par une psychologie de sous-sol, hasardeuse et même erronnée, tend à persuader que le rosé est plus léger que le rouge. Si c’était le cas, les scientifiques nous l’auraient certifié et confirmé mais dans cette logique primaire, on aurait tout interêt à boire du blanc. Le blanc n’est-il pas plus clair que rosé ? Donc plus léger ! Et pourtant plus meurtrier que le blanc y a pas. Ou si, encore plus blanc ! C’est donc bien dans la tête ! Et en tout état de cause, on n’aura pas répondu à ma question car comme toutes les modes, y a pas d’explications. Boire du rosé, c’est un peu comme faire fi de boire du vin, de l’honorer, D’apprécier un terroir, le travail immense des hommes, sa vinification et son savoir-faire. A peine bu, un verre de rosé fait partie d’un lointain souvenir ! Alors que la dégustation d’un vin, c’est surtout le garder le plus longtemps en bouche pour faire connaissance avec tous ses arômes.Autrement, c’est un liquide coloré et alcoolisé qui peut à la rigueur jouer l’office d’apéritif.

Paul Bianco