L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°96 Nov 2015

NARCISSE AUX PAYS DES OIGNONS

Faut pas chercher l’ADN du « Bouche à Oreille » du côté de Facebook mais du côté de Gutenberg comme le démontre chaque trimestre depuis 25 ans le guide papier édité. Un côté passéiste qui fait probablement la différence entre vieux ronchon et blogueur à la mode. M’enfin quand même! On pourra nous traiter de réactionnaires aussi souvent qu’on boit du thé vert! Mais cette crispante manie qu’ont la plupart des blogueurs gastronomiques à afficher leur minois au quotidien sur les réseaux sociaux nous fait bien gambiller la boite à rigolade! Tous sans exception sont infiniment plus harmonieux du visage que Mauricette, mais est-ce une raison suffisante pour supporter leurs trombines?

La palme revient au jeune Ezéchiel Zérah. Lui, il raconte sa vie de dandy itinérant en direct, je suis chez Bocuse, je suis chez Lévy, plus belle la vie! Aussi: « demain je mange chez Michel Guérard ». Ça va lui faire une surprise à laquelle il ne s’attend pas, le chef des Prés d’Eugénie! Ou alors: « coucou c’est moi, je suis en train de déjeuner chez Régis Marcon » histoire de bien faire comprendre à la terre entière que vous autres communs des mortels et contrairement à moi, vous avez des vies ternes et sans le moindre intérêt. Car comme disait Jules Renard, « il ne suffit pas d’être heureux, encore faut-il que les autres soient malheureux. »

OS MINOIS DESSINCitons quelques-uns (unes) de ses collègues, parfois « amis Facebook » de Mauricette (ça va pas durer) qui loupent rarement l’occasion de trinquer avec leurs amis cuisiniers, verre de Champ’ à la main sous l’objectif du photographe: Natacha Billet sur Paris qui à la lire, possède un rond de serviette et peut-être bien un sac de couchage chez Alain Passard! Caroline Générosi Herpin et Jean-Christophe Girard qui volent à chaque remise de médailles venue pour se prendre en photo avec les récipiendaires! Et d’autres! Comme Stéphane Riss, ancien restaurateur en famille de Saint-Maximin (83) qui prend la pose-photo façon Actor-Studio: ça doit l’aider à vendre les prestations de son agence « d’influence sociale »! Euphémisme marketing fait pour vendre sa soupe de publicitaire marchand de tapis aux hôtels-restaurants de ses clients.

Courtisée par les restaurateurs du Var car régulière correspondante locale de la Pravda des restos (le journal des CHR « L’Hôtellerie-Restauration ») Marie Tabacchi déborde parfois sur les côtés, du côté du 13. Appréciée dans la profession, son visage est connu mais elle se planque généralement derrière l’objectif-photo. Contrairement à sa collègue de Marseille, la Pom-Pom girl des chefs étoilés Anne Garabedian qui flanque des coups de pieds dans le tibia des voisins pour figurer sur tous les clichés sans exception. Sinon elle boude. Les mauvaises langues disent que si elle squatte aussi assidument le rayon cuisine de la radio d’Etat « France Bleu Provence », c’est pour se contempler juste après sur les photos de l’émission de radio mises sur sa propre page facebook. C’est vous dire l’obsession. A noter qu’en mai 2015 et pour le compte de la boite de com’ « Relaxnews« *, le duo Anne Garabédian et Marie Tabacchi sous-traitaient le supplément de l’hebdo « L’Express » évoquant « les meilleures tables de Toulon ». Opération qui leur permet par ailleurs de renvoyer l’ascenseur à leurs chouchous de chefs et d’être encore plus appréciées d’eux! On appelle ça la « culture de réseau »: il faut bien vivre!

Points communs de nos chers chroniqueurs de la vie culinaire: une dévotion visible ou cachée envers les guides dits « sérieux » (rime avec pneu) qu’ils suivent courbés, allant jusqu’à ne plus s’autoriser de critique personnelle par peur d’être le mouton noir, banni par les confrères de la pensée unique « journalistes » de la sauce, et la clique des chefs influents qui souhaitent une presse gastronomique aux ordres.

En plus de l’obsession égotiste à montrer son minois à tout bout de champ, le blogueur montre un talent rare à bâcler systématiquement les restaurants sous le mode « sujet-verbe-compliment » en bon poisson-pilote des grandes toques. Quand les mots manquent pour vanter, le blogueur à court de vocabulaire ajoute fréquemment des photos de plats et un commentaire du genre « c’est une tuerie » sinon le lecteur idiot ne comprend pas qu’on veut lui faire croire que c’est bon.

Pour conclure, afficher sa trombine à tous yeux sur les « réseaux sociaux » dans le cadre d’une critique de restaurant, ça pose d’emblée des limites de la crédibilité du propos, par définition. Que nos exhibitionnistes décomplexés jouent les attachés de presse de leurs amis restaurateurs dans le cadre de leurs attributions professionnelles, ça les regarde. Sauf que le mélange des genres journalistiques « critique pure » et « porteur de dossier de presse » est d’une grande absurdité. Ce que nie sans sourciller la journaliste (carte de presse 75288) marseillaise Cécile Cau quand elle évoque l’AOC de son blog culinaire « So Food So Good »: « En tant que journaliste, oui je reçois parfois des produits et je suis invitée à des rendez-vous presse, comme n’importe quel journaliste! Les critiques ciné ne paient pas leurs places et les critiques littéraires reçoivent des livres! And so what??? Les journalisme tourisme sont inviter dans des hôtels et à voyager en 1ère. Quant aux journalistes politiques, personne ne trouve à redire qu’ils empruntent les avions présidentiels aux frais de la République pour couvrir l’actu. » On ne voit pas souvent son minois mais tout bien réfléchi, on préfèrerait plutôt que d’avoir à la lire.

Olivier Gros