L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°49 Fév 2004

Après les révélations surprenantes et fracassantes de Pascal Rémy, viré pour faute grave du petit guide rouge, ça s’agite dans le landerneau de la profession. Après le suicide de Bernard Loiseau et les accusations de Bocuse contre le Go et Millo, le monde des guides gastronomiques risque d’y laisser quelques plumes, quelques lecteurs et gagner une fronde des annonceurs toqués. Le BAO ayant toujours déclaré qu’il était un organe de presse anti-guide pour les raisons qui font scandale aujourd’hui ne se sent pas concerné. D’ailleurs aucun média n’a jamais évoqué ne serait-ce que son existence. Certains guides ont les faveurs des grands médias, savent quel coup tordu ils peuvent fomenter pour alimenter des coups médiatiques comme celui de retirer une étoile à Ducasse au Louis XV ou en coller six d’un seul coup à Marc Veyrat. Le JT de 20 h est assuré ! et les ventes aussi ! déployer les grands moyens est un exercice que tous maîtrisent parfaitement.

LE PRINCIPE EST DE TUER !

On ne s’ennuie jamais dans l’univers des cuisines ! Comme aux galeries Lafayette, il se passe toujours quelque chose. A peine les éléments se calment que voilà qu’on nous sort du chapeau une petite affaire en forme de rebondissement. Mais cette fois on touche au sacré, à l’institution : la bible. Mais la rouge, celle qui distribue des étoiles et des croix ! Ou des mises à mort ! celle qui a plus de pouvoir que la vraie bible ! celle qui ne s’explique jamais ! si ce n’est qu’à travers un pictogramme qui fera office de récompense ou absence de pictogramme qui ressemblera à une diatribe de gens bien élevés. Mais dont le principe est de tuer ! Car cet inspecteur sait qu’il va tuer en retirant une étoile ! C’est Ubu roi régnant sur le peuple des toques ! c’est 30 % de moins dans le tiroir caisse et c’est une croix non chrétienne. Et sans avoir besoin de s’expliquer ! En biffant simplement ! En deux secondes, l’acte est accompli ! Un vrai travail d’artiste ! Pas de sang, pas de mutilation s! à part le restaurateur, personne ne lui demande des comptes. Une merveille de boulot ! Le « miche » a toujours fait régner la terreur dans les rangs des chefs. Mais aujourd’hui, ça tourne vinaigre à la dictature. On dirait que les chefs n’ont plus de salut hors du « guide rouge « . Ils ont le sentiment de ne plus exister dans la conscience collective de la clientèle potentielle s’ils n’ont pas leur grigri dans le « Miche ». La reconnaissance de leur travail passe par le fantaisiste de service qui, avec sa baguette magique, distribuera malheur ou bonheur.

CINQ INSPECTEURS AU LIEU DE CENT !

Et voilà ti pas qu’un ostrogoth du clan s’est rebiffé suite à son licenciement après 16 ans de loyaux services aux basses oeuvres du célèbre guide ! Même s’il faut y aller prudemment, on en apprend de bien bonnes ! Par exemple que tous les étoilés ne sont pas visités chaque année. Certains tous les trois ans. Quand on sait qu’il faut un an pour faire un annuel et qu’il n’est pas testé dans certains cas pendant trois ans, le restaurant se trimballe une étoile pendant plus de quatre ans sans contrôle ! et avec 3 ou 4 chefs de passage ! Sérieux la bible ! Pascal Rémy nous apprend entre autre que les inspecteurs sont très peu nombreux. Cinq au lieu de la centaine annoncée par la direction ! encore du truquage plus cathodique que catholique ! pour une bible ça la fout mal ! Pire et dépasse toutes nos allégations depuis 13 ans, avec 5 inspecteurs faisant 200 tests par an, d’après Pascal Rémy, on en arrive à ce pourcentage consternant de 10 % de tables visitées ! Bravo la bible ! Sur 10 000 adresses, cela ne fait que 1000 réellement testées. On en apprend de bien bonnes. C’est-à-dire qu’en clair, neuf étoilés sur dix ne sont plus contrôlés. Charmant pour le lecteur qui a acheté le guide 25 ? !

DIX REPAS PAR JOUR !

Le BAO, avec deux inspecteurs, visite et teste péniblement 500 tables par an ! Calculez par vous même combien il nous faudrait de cobayes ! Vingt fois plus ! Donc, au minimum 40 inspecteurs parcourant les routes et les auberges, samedi compris ! Si vous ajoutez à ces calculs, les défections par empoisonnement, ça arrive, les bronchopneumonie par courant d’air, les fractures par accident de la route, les retraits de permis pour une alcoolémie professionnelle, les morts lentes par cholestérol galopant, vous aurez un effectif très insuffisant. Pour fonctionner normalement, il faut au minimum compter sur un total de 50 inspecteurs pour réaliser 10 000 tests par an. Voilà qu’on apprend avec stupéfaction qu’ils ne sont que 5 ! à moins de faire dix repas par jour, je ne vois pas comment 10 000 adresses peuvent être visitées !

UNE CASTE DES TEMPS MODERNES

Le Pascal Rémy ne s’arrête pas en si bon chemin. Il cause beaucoup le déçu qui a tout de même trempé dans les combines pendant seize ans. On dirait que ça ne l’a pas trop gêné pendant toutes ces longues années ! Mais il faut bien gagner sa vie ! Selon lui, il y a les intouchables ! Quoi qu’il se passe, le barème est le même ! Pour le coup, toujours d’après lui, un tiers des 3 étoiles ne sont pas au niveau. Chez nous, au BA0 ou dans la France d’en bas, on appelle ça du copinage. Ou de la confrérie. Ou caste des temps modernes. Si vous êtes adoubé par un suzerain de la direction, vous l’êtes à vie. Vous pouvez monter autant de restaurants que vous voulez, les étoiles tombent sur votre nom, comme par enchantement, même si vous placez vos chefs. Si vous avez votre machine à calculer, trouvez moi le total des étoiles qui affublent Ducasse ! Bien sûr que le patron Dérek Brown se défend de toutes ces déclarations vengeresses qui vont de toute façon apporter un discrédit au guide qui avait déjà à faire face à une fronde de restaurateurs entrés en rébellion pour diverses raisons et notamment celle de refuser la course aux investissements pour une étoile qui un jour leur sera retirée sans explication. Bien sûr que la révolte avait déjà commencé ! De cette tyrannie,une frange de restaurateurs n’en veut plus ! L’heure n’est plus à l’investissement. La TVA étant ce qu’elle est et ce qu’elle va rester, perdre 30% n’est plus de mise. Surtout sur une fantaisie d’un dîneur patenté par une firme de pneus !

Paul Bianco


*Aux dernières nouvelles, les allemands ont donné leur accord et donc la TVA devrait passer à 5,5% en 2006. De quoi voir venir !