L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°85 Mar 2013

JOURNALISME GASTRONOMIQUE DU XXIème SIECLE

PASSE-PLATS DES GRANDES TOQUES

L’assoiffé d’informations sur le monde de la restauration, de la gastronomie, des guides et tout le tintouin ne croient plus aux vrais-faux reportages télé et ses mises en scène pour gogos! Non plus au contenu des journaux où nombre de « critiques » sont désormais trop pauvres pour rester indépendants dans le jugement! Je développerais une autre fois! Internet n’échappe pas au constat d’amollissement des convictions. Trop souvent les blogueurs de la sauce se cantonnent aux dossiers de presse reçus dans leur boite mail. Ils refusent l’évidence de la pratique du « copier-coller » du bout des lèvres, invoquant « la déontologie ». Aucune concession à la qualité de notre travail môssieur, nous sommes des professionnels. Pourtant tous ou presque acceptent le concept quand même incroyable des « déjeuners de presse » où on se serre la paluche entre donneurs d’ordre, restaurateurs, attachés de presse, agences de pub et… journalistes. Sans illusion sur eux-mêmes, mais faut comprendre: faut bien vivre! Ainsi la méthode acceptée devient le terreau principal d’un travail tronqué, un travail journalistique devenu « normal ». Et puisque la plupart des confrères font ainsi… C’est donc moins grave non? Facile de lire certaines critiques forcées, trop laborieuses dans l’apologie. Elles sont souvent l’exigence sournoise « d’un papier » quémandé par un « directeur » du journal « ami » d’un cuisinier de longue date, ou pas. Les exemples de manquent pas en leurs temps! Reine Sammut à Aix! Prévôt à Cavaillon! Bruno à Lorgues! Stéphane Lelièvre à Toulon! Et d’autres! Puisque nous œuvrons depuis plus de 20 ans sur leur zone de chalandise, « La Provence » et « Var Matin » excellent dans l’exercice! Les journaux d’ailleurs je sais pas, mais ici c’est comme ça!

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Comment lancer une promo pour lancer un restaurant? Avoir de l’argent est un excellent début. Puis via son agence de com’, l’entrepreneur-chef convoque le fichier des « journalistes gastronomiques » dont on connait pour la presque intégralité la docilité panurgesque, s’assurant ainsi d’une couverture quasi-totale dans les médias sur une période donnée. Le cas du restaurant parisien de Anne-Sophie Pic, triple étoilée par le miche à Valence (26) est révélateur de l’efficacité du « plan média »: ouvert le 17 septembre 2012, la quasi totalité des supports médiatiques liés à la restauration évoquera « l’événement » dans le mois suivant. Dans la foulée de cette promo, deux événements très secondaires s’ils étaient en dehors du planning: la sortie d’une cuvée de Saint-Péray blanc avec Chapoutier, et la parution d’un bouquin « le livre blanc d’Anne-Sophie Pic ».

Mais alors? Si les journalistes « traditionnels » jettent l’éponge (plutôt la serviette), qui sont les défricheurs de nouvelles tables? Des « amateurs » passionnés, souvent « blogueurs » désintéressés qui en savent infiniment plus sur la vie du terrain gastronomique que les gratte-papiers aux ordres d’une presse industrielle aux convictions anémiées, confinés devant leur écran d’ordinateur à lire ce que disent les confrères sur un même restaurant: ça coûte moins cher au comptable du journal que de payer un repas, même si on y va en vélo ou en métro! Car aller au restaurant et payer son repas coûte beaucoup d’argent. Ceux qui pratiquent l’exercice au quotidien le savent.

Ce qui revient à dire que pour bien faire le métier de « critique de restaurant », non seulement il faut avoir envie et des principes. Mais aussi de l’argent d’avance, ou en gagner suffisamment pour s’exonérer de toutes pressions, mener la mission à bon port et le plus honnêtement possible. Trouver un « modèle économique »! Le terme est à la mode!

Olivier Gros