L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°33 Mar 2000

Le cadeau royal de Falco (Conseil Général du Var) à nos deux ex-chefs, mais nouveaux businessmen, n’est pas du goût de tout le monde, surtout dans le microcosme de la tambouille où la recette n’est jamais miracle. Sauf pour nos deux compères, Alain Ducasse, l’homme aux 6 étoiles, et Bruno, ex-futur-cuisinier, ours blanc de celui qui a élu domicile dans un avion, tout en goûtant le reste du temps les dernières trouvailles de ses nombreux chefs.
Donc, en clair, comme sur Canal plus, on peut dire, sans exagérer que le Conseil Général du Var a fait avec nos sous, un cadeau royal, celui de l’Abbaye de La Celle, petit trésor de guerre en décrépitude, où descendait naguère le général de Gaulle, à nos deux têtes couronnées par le « Miche » et les médias, tous confondus.
Cet ancien monastère du XIIème siècle, dont Mazarin fermera le couvent en 1660 pour libertinage aggravé des bénédictins, connut bien des péripéties avant d’être abandonné à son propre sort. Jusqu’au jour où nos chers conseillers régionaux pris à leur propre réflexion, finissent à se mettre dans l’idée qu’il fallait à tout prix trouver un avenir à ces soldats des fournaux sans solde et déshérités que sont Ducasse et Bruno. A partir de ce constat désolant, il était évident qu’il fallait mettre un plan Orsec, avec quelques milliards à la clef pour remettre l’abbaye en « celle » et en faire cadeau à ces hobereaux de la cuistance, histoire de leur donner une deuxième chance dans la vie. Les deux compères se firent un peu tirer l’oreille et finirent par accepter le cadeau royal. On a tout de même sa dignité.

BOUCLER LEUR FIN DE MOIS

Le plus difficile pour nos deux hommes, c’était de caser leur présence pans un planning surchargé et leur fuseau horaire. On n’est pas des bêtes de somme, tout de même. Y’a des sommes qui ne peuvent plus s’ajouter. Surtout au delà de 24h. Question 35 h, on a largement dépassé le quota ! Heureusement que chez les patrons, y’a pas la CéGéTé ! Quand à la Martine, elle fermera les yeux. Y’a des amitiés qu’on ne peut pas verbaliser ! Bref, comme on le voit, nos grands bonshommes vont avoir du pain sur la planche car, tant Bruno avec ses multiples restaurants, que Ducasse avec une ouverture d’établissement par semaine, ils avaient absolument besoin de l’Abbaye de La Celle pour boucler leur fin de mois.

A TOUT MALHEUR QUELQUE CHOSE…

Ce sont les contribuables varois qui sont contents d’avoir contribué à cet élan de générosité. Ils sont fiers d’aider des gents dans le besoin. Après ça on dira que les varois n’ont pas le coeur sur la main ! Et ceux, surtout les restaurateurs, qui ont déposé leur bilan par insufisance d’actif, de clients, et surtout de plombage intensif d’impôts, charges, T.V.A. et taxes en tout genre, sont ravis d’apprendre que tous leurs malheurs et spoliations ont malgré tout servi à quelque chose. Et ils se disent, la larme à l’oeil et la main sur le coeur qu’ « à tout malheur quelque chose est bon ». Les petits gars, ils peuvent voguer, on les a sortis du pétrin. D’ailleurs, Ducasse et Bruno leur sont très reconnaissants. Ils ne le disent pas, ni en comité restreint ni dans la presse ; ce sont de grands timides, inhibés, mais ils n’en pensent pas moins. C’est tout à leur honneur.

UNE ECOLE DE M’AS-TU-VU

Et du même coup, le Var pourra s’enorgueillir d’avoir deux stars des fourneaux aux commandes d’une des plus belles et plus anciennes abbayes de la région. On va pouvoir y prier en choeur entre une feuillantine de ris de veau à la vinaigrette tiède et une aumônière de volaille truffée. L’ « Alexandre le Grand » de la truffe bizarre veillera au grain. Comme l’écrit notre ami intime, Jacques Gantié dans Var-Matin, « on se félicitera des deux côtés« , c’est à dire, entre eux et eux; pour les autres, ça reste à voir et « cela aura un impact économique certain pour le Var« . Surtout pour eux. Donc, encore, merci pour eux. Pour les autres, les sans grade, les soutiers des fourneaux, z’ont qu’à faire comme eux, se faire voir et courtiser le Conseil Général. Les médias, ça s’apprivoise ! Demandez aux spécialistes comme René Bérard, Stéphane Lelièvre ou Gerald Jourdan ! Bientôt vous verrez fleurir des écoles de « m’as tu vu » où l’on apprend comment racconter sa vie et répondre à une interview ou sourire devant une caméra. Ce sera plus sérieux qu’une école hôtelière. Ce type d’école aura entre autre l’avantage d’éviter la désertification des journaleux dans son établissement et surtout d’éviter de déposer son bilan. Voilà donc arrivé le nouveau « gastrothon ».

Paul Bianco