INVITATION DE PRESSE

DÉJEUNERS EN LAISSE

On peut reprocher beaucoup de choses à notre travail de défricheurs de tables, affubler notre guide populaire de tous les défauts de la terre. Nous serions en accord sur quelques points. « Le Bouche à Oreille » a toujours préféré emprunter les chemins de traverse que rouler sur des rails avec des œillères, comme nombre de chiens de garde du prêt-à-penser de la chronique de la soupe. Ceux qui sont invités aux « déjeuners de presse » pour dire du bien de ceux qui leurs donnent à manger. Entre-nous, on appelle ça les « déjeuners de laisse » pour des raisons facilement compréhensibles. De notre côté, nous testons assidûment toutes les tables référencées et payons scrupuleusement nos additions! On trouve dans nos pages l’étoilé ou le bibendumisé Michelin, le pizzaïolo ou l’anarchiste-cuisinier, le doué émancipé des médailles militaires ou le financier autodidacte qui réapprend un métier. De plus, dans nos pages aucune critique n’est acquise ad vitam aeternam. Ça aussi, on nous le reproche.

Méthode de travail rigoureuse qui nous permet de l’ouvrir quand le restaurant est bon, moyen, mauvais voire très mauvais. Du coup, notre petit guide impertinent ne ressemble en rien à un rondouillard annuaire en forme de gros pavé indigeste. De pavé, il y a seulement celui qu’on jette dans la mare du grand cirque médiatique de la soupe, des grandes messes de remises de médailles en chocolat, des journalistes poissons-pilote aux ordres des grands chefs et de l’industrie agro-alimentaire qui cautionnent le cinéma de la grande blague des guides. Et de rondouillard, juste moi.

Le fendard palmarès 2018 des 2 ou 3 étoiles confirme. Argent, réseaux et amis: palaces et grands groupes sont à l’honneur. Le Michelin (et ses étoiles) n’est plus un guide d’utilisateurs bourgeois mais un guide de riches étoilés. Qui ne teste pas toutes les tables qu’il référence: 4300 restaurants, 12 cobayes dans la meilleure des hypothèses. Sans jamais tomber sur un mauvais. Un supposé « bon sens populaire » le considérerait comme le guide de restaurants le plus sérieux. C’est vous dire tous les autres.

Olivier Gros