L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°97 Jan 2016

PÉRICO LÉGASSE

VRP DE NESTLE

(à peine dissimulé)

Qu’il semble loin le temps où Périco Légasse, aujourd’hui rédacteur en chef du rayon vin et gastronomie de l’hebdo « Marianne », percevait dans l’industrie agroalimentaire l’incarnation de Satan! Souvenons-nous. Lorsqu’à grands coups de colère gauloise radio ou télé il dénonçait sans retenue la mainmise de Lactalis sur les méthodes de fabrication des fromages français [1]. Tout autant grognard quand il vilipendait la cuisine moléculaire qu’il voyait comme un paravent de l’industrie agroalimentaire promouvant, par l’intermédiaire du Guide Nestlé The World 50 Best Restaurants, un style culinaire aujourd’hui passé de mode et ce, afin de faire avancer ses objectifs marchands. Notons que pour l’occasion, Périco Légasse s’acoquinait avec son confrère Jorg Zipprick qui pour sa part, n’a aucun problème à collaborer ouvertement avec Nestlé pour le nouveau guide La Liste[2].

LE JUGE

Grand moralisateur devant l’éternel quand il s’agit de pointer du doigt ses confrères qui déraillent, Périco Légasse persifle couramment sur ce qu’on appelle « la grande distribution ». Notamment lorsqu’à l’époque, il dévoile les accointances douteuses entre Leader Price et… Jean Pierre Coffe, son mentor! On sait depuis que l’élève a dépassé le maitre dans ses contradictions. Pour qui suit ses fougueuses publications à la Danton et ses saillies verbeuses à la colère calculée, il est aisé de constater que dans le grand carambolage d’intérêts de marchés entre « industrie agroalimentaire » et « grande distribution », Périco Légasse a choisi son camp: l’industrie. De fait il s’oppose à l’autre partie: la grande distribution.

CONSTRUIRE UNE STRATÉGIE

En effet, pour mener à bien sa stratégie de com’, dans la plupart de ses récentes attaques – à charge presque exclusivement contre la grande distribution et l’agro-industrie – il s’est choisi comme opposant l’enseigne française « E. Leclerc » avec comme « sparring partner » son président Michel Edouard Leclerc [3]. Mais une seule cible faisait un peu louche pour la photo, ce n’est pas bon pour l’image. Et Périco Légasse est soucieux de son image. Alors après s’être frotté la barbe et gratté la tête, Périco Légasse choisit de noyer le poisson en ciblant également lors de ses saillies verbeuses accompagnées de grands gestes à la télé, le syndicat paysan FNSEA [4]. Curieusement, dans ses nouvelles diatribes sélectives, notre fin stratège des médias fait l’éloge de Richard Girardot, PDG de Nestlé France. En fin calculateur, Périco Légasse n’abuse jamais du cirage de pompes envers son nouvel allié de circonstance. Surtout, ne pas donner l’impression de trop en faire.

VRP DE NESTLE - Le Bouche à Oreille

LA VESTE TOUJOURS DU BON CÔTÉ

Lorsqu’on évoque la critique gastronomique, domaine de compétence pour lequel l’ami Périco Légasse est surtout connu, son revirement en faveur de Nestlé est tout bonnement édifiant. En quelques années, il passe d’une hypothèse expliquant que le guide Nestlé « The World 50 Best Restaurant » est simplement « une opération organisée par la revue britannique The restaurant magazine pour le compte de San Pellegrino, filiale de Nestlé, en vue de promouvoir la cuisine créative faisant appel aux nouvelles technologies et aux additifs chimiques mis au point et commercialisés par le groupe suisse » à une théorie toute autre! Celle dans laquelle la multinationale suisse « pourtant informée des dérives et des irrégularités de ce qui ressemble davantage à de la propagande politique qu’à une sélection de bonnes tables » aurait tout intérêt à ne plus « s’associer avec ces gens [Restaurant Magazine »! Tiens tiens?.. [5]

WHAT ELSE? (Quoi d’autre?)

Le grand public n’a pas oublié le publi-reportage dans lequel Périco Légasse encense le clooneysque café Nespresso. Il explique (sans sourire) que « La question est de savoir quel type de produits les concurrents de Nestlé proposent aux usagers d’une machine Nespresso… car la technologie… des capsules Nestlé complique la copie… nous pouvons affirmer que la suprématie, tant aromatique que gustative des cafés Nespresso est criante »[6]. Gonflé, mais risqué. Non seulement le contenu des célèbres capsules est régulièrement suspecté comme mauvais pour la santé et désastreux pour l’écologie, mais la marque est également réputée pour utiliser toutes les stratégies possibles afin de garder son… monopole! En outre, quoi de plus jouissif que de voir notre Zorro national ardent défenseur des fromagers et des charcutiers-tripiers « bien d’chez nous » déglinguer du même coup sans états d’âme… les artisans torréfacteurs de sa liste de chouchous.

                                                                 L’OISEAU PÉRICO FAIT SON NID

VRP DE NESTLE - Le Bouche à OreilleBref! Pour comprendre un tel revirement, il faut savoir que Périco Légasse a commencé une collaboration discrète avec le groupe suisse Nestlé en 2014. Il accepte alors de participer comme jury aux « Nids d’or » organisé par la fondation Nestlé France dont le but est de contribuer « activement à la diffusion de la culture alimentaire française, moteur de notre rayonnement international économique et culturel »[7]. Plus récemment, cette fondation s’associe avec la chaine de télé « Public Sénat » pour financer l’émission « Manger c’est voter » du fameux « critique intransigeant » comme aime lui-même à se qualifier notre gardien du temple de l’intégrité intellectuelle [8]. Une bonne raison de se poser (au moins) une question: pourquoi Périco Légasse accepte désormais de travailler en collaboration avec la fondation Nestlé? Alors même qu’il expliquait voilà peu, poing levé et main sur le cœur, qu’en acceptant une collaboration avec l’enseigne Leader Price, son confrère Jean Pierre Coffe moralisait l’image du distributeur?

LE MONOPOLE… DE LA MAUVAISE FOI

Périco Légasse estime impossible de s’engager en faveur de la « grande distribution » tant qu’elle aura un « monopole » et exercera une « pression » sur le marché. Bien. Qu’il nous explique en quoi une multinationale comme Nestlé n’exerce pas le même genre de monopole et de pression sur le marché? On note avec malice que l’intégralité des enseignes de grande distribution propose des produits Nestlé. Ne s’agit-il pas d’un joli monopole? Aussi: selon des expériences mesurées, certains produits Nestlé retirés des rayons des magasins font sensiblement baisser les ventes globales du rayon. C’est vous dire le… monopole dans le ciboulot des consommateurs! Question subsidiaire: dans un de ces jaillissements outrés, Périco Légasse déplore l’impossibilité de trouver du lait frais dans les supermarchés en France au profit du lait UHT. Par souci d’honnêteté, peut-il préciser à qui appartient aujourd’hui la société qui a mis au point ce procédé qui semble tant le déranger? [9] Le lecteur taquin aura sans doute deviné.

LES BONS ET LES MÉCHANTS

Dans sa lutte contre la malbouffe dont on aura compris qu’il souhaitait en être le fer de lance après avoir « tué le père » Jean-Pierre Coffe, Périco Légasse choisit de s’allier avec Nestlé contre la grande distribution et l’agro-industrie. En tous cas aujourd’hui. On se demande forcément en quoi la multinationale suisse est plus morale que Leclerc et la FNSEA. A propos de l’énergique fondation Nestlé: comment penser objectivement que les remèdes proposés par Nestlé via sa fondation guériront la société de tous ses maux? Comment ignorer le lien étroit entre le médecin (Nestlé), son remède (sa fondation) et la maladie (la malbouffe)? Iriez-vous chez un médecin vous faire soigner si vous appreniez que ce médecin est à l’origine de votre maladie? Et que le remède proposé lui permet de vous garder comme patient?

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LA FAIM ET LES MOYENS

Périco Légasse n’est plus à un coup d’essai pour faire mouliner sa petite entreprise. Entre chouchoutage en règle de ses « amis » restaurateurs qui bénéficient de ses louanges de critique gastronomique [10] et son rôle érigé en fer de lance médiatique contre la malbouffe, l’oiseau s’est créé son monopole. Lui aussi. Ce qui lui fait (au moins) un point commun avec Nestlé. Multinationale qui cherche à modifier les comportements alimentaires pour ses propres intérêts, s’attachant des services masqués de « leaders d’opinions ». A 70€ le kilo de café contenu dans les capsules Nespresso, ils peuvent se payer ce genre de pub!

RR et Olivier Gros


[1]A noter que Lactalis s’est associé à Nestlé en 2006 dans la fabrication de produits laitiers vendus sous les marques Nestlé et Bridélice. http://www.lsa-conso.fr/naissance-d-un-nouveau-geant-des-produits-laitiers-frais-lnpf,48457
[2] http://www.stephaneriss.com/connaissez-vous-jorg-zipprick-membre-du-comite-de-la-liste-des-1000/
[3] http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/10/28/31003-20151028ARTFIG00120-perico-legasse-non-a-la-barbaque-americaine-vive-la-cote-de-boeuf-francaise.php
[4] http://www.marianne.net/pericolegasse/Les-voyous-du-poulet-industriel-de-Tricatel-a-Beulin_a66.html
[5] http://www.lecoqgourmand.fr/entretien-exclusif-avec-romain-redouin-createur-de-la-vie-culinaire2/
[6] http://www.marianne.net/pericolegasse/Monopole-Nespresso-faux-debat-dans-la-capsule_a67.html
[7] https://fondation.nestle.fr/agir/les-laureats-des-nids-dor-2014-resultats-du-jury-de-deliberation/
[8] https://fondation.nestle.fr/agir/manger-cest-voter/
[9] http://www.nestle.fr/nestleenfrance/applicationnestlefrhistoire
[10] https://www.le-bouche-a-oreille.com/os/quand-berard-jouit-des-largesses-de-perico-legasse/