L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°53 Fév 2005

D’abord, y a pas la manière, un minimum de souplesse dans l’art de recevoir. Ça tient plus de l’art de décevoir ! Le patron parle sec et fort comme un adjudant à ses soldats. Chaque fois qu’il vous adresse la parole, on dirait qu’il vous sermonne. Mais non, c’est sa façon à lui de parler, de vous dire qu’il n’est pas là pour rigoler et que ça fait trop longtemps qu’il fait ce métier pour se laisser enquiquiner. Voilà pour l’introduction, le décor n’est pas planté mais l’ambiance oui. Après tout, il n’y a pas trop à sortir un os et l’arête pour ce genre de pecadilles qu’il m’est donné de rencontrer tout au long de l’année. Mais la suite donne à réfléchir et moi je réfléchis. D’abord je surprends une conversation entre le couple qui se trouve derrière moi et le patron. Ces derniers, estivants de leur état, s’étonnaient qu’à chacun de leur choix, le patron répondait qu’il n’y en avait plus en prenant le ton pincé du pisse vinaigre de base ! et aussi sec, il répond qu’il est surpris et irrité que les gens en vacances soient étonnés que les pêcheurs le soient aussi ! Sur le mode de la réprimande ! et qu’on y revienne plus sur ces étonnements imbéciles ! Du coup le couple de vacanciers n’a plus oser parler, même entre eux ! Le rôle du restaurateur est non seulement d’être aimable mais à fortiori d’expliquer l’absence de plats qui sont indiqués sur le menu avec le ton qui convient, c’est-à-dire en s’excusant d’abord et ensuite le ton de la gentillesse. Là, il apparaissait que le simple fait de se renseigner constituait un casus belli impardonnable. Ils auraient dit « pardon monsieur, promis on ne recommencera plus » que je n’aurais pas été étonné. Mes assiettes ont été retirées sans ménagement, toujours avec cet art militaire qui ne laisse planer aucun doute sur l’état d’esprit du sous officier et sans me demander si j’avais trouvé ça à mon goût. Allez hop, une corvée de moins ! En choisissant mon vin, je demande s’il fait le vin au verre. Bien sûr qu’il le fait et je demande de quel domaine il vient. Pour toute réponse, il me dit succintement et péremptoirement que c’est un AOC, histoire de dire que ça devrait me suffire comme réponse ! Va-s-y pour un blanc AOC ! ou en plus clair FBR, fond de bouteille de récupération. Le hasard veut pourtant qu’à chaque fois, le vin du verre n’est pas excellent. J’ai pas dit frelaté ! Mais comme chacun sait, rien n’est prouvable dans ce domaine, donc je retire ! Au moment de payer mon addition qui arrive sans tampon, je sors ma carte bleue pour payer et je m’entends dire qu’il ne la prend qu’à partir de 50 ?. Pourquoi pas 100 ? pendant qu’il y est ! Je dois ajouter que ce jour là, il se trouvait dans un bon jour et magnanime, il me dit qu’exceptionnellement, il la prenait malgré mes malheureux 20 ? à payer. Probablement qu’il m’avait à la bonne ! Cette séquence ordinaire se passait à la « bouée » du Lavandou.

Paul Bianco