L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°92 Déc 2014

LA MEILLEURE TABLE

C’est souvent autour d’une table en famille qu’on me fait le coup: « quel est le meilleur restaurant? ». Comme si on pouvait répondre à cette question, donner une réponse métrique, scientifiquement imparable, indiscutable. Mon premier réflexe est de rebondir: « ça dépend du moment… ». Alors tout le monde se poile pendant 30 secondes jusqu’à qu’un plus malin que les autres dise: « ouah le faux-cul, langue de boaaaa ».

Seconde possibilité: la réponse qui rassasie les esprits rationnels! Nommer une table que tout le monde connait, pas trop célèbre non plus. Histoire de cultiver l’image du « Bouche à Oreille », entre sérieux qui dit ce qu’il pense, et amoureux des chemins de traverse un peu rigolard. Cette réponse courte et péremptoire doit toutefois être exprimée avec assurance, et pendant qu’ils rongent l’os que j’ai jeté, je peux finir de siroter tranquillement mes grenouilles à la provençale ou mon poulet aux écrevisses sans avoir à développer ma réponse.

Un peu de sérieux: comment peut-on faire un classement des meilleurs tables? Sur quels critères? Comment oser un classement de restaurants façon « les meilleures cliniques franc-maçonnes payées comme des cadres » comme le chante parfois les hebdos l’Express, le Point, le Nouvel Obs? C’est pourtant ce qu’essaye de faire régulièrement « le classement des meilleurs restaurants du monde ». Non qu’il soit négligeable et à écarter du coude, mais un œil averti permet de cerner les vénales motivations d’arrière-plan. C’est ainsi qu’on remarque avec délices que Nespresso et San Pellegrino s’affichent sponsors peu discrets de la coterie de l’élite mondiale de la soupe!

Olivier Gros