L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°52 Déc 2004

Articulet sur la condition de restaurateur sérieux au XXIème siècle

EGALITÉ : POIL AU NEZ !

REVUE DE DETAILS

La vie d’un artisan-restaurateur (à quand d’ailleurs un label sérieux ?) est de plus en plus compliquée. On s’aperçoit vite que la mécanique économique concoctée par l’expert de la chose fait la part (plus ou moins) belle à deux types d’entreprises. D’abord, celles bénéficiant du régime fiscal de la « micro-entreprise » : ne pas dépasser un chiffre d’affaire de 76300€ HT/an. Pas d’employé(s), non assujettie à la TVA bref, l’« affaire de couple » par excellence. On vivote. Avantage pour l’Etat : faire passer bon nombre de « salariés » (chômeurs potentiels) au statut de « travailleurs indépendants ». Seconde catégorie : les « groupes », les multinationales, les mastodontes du chiffre d’affaire. Objectifs clairs : parts de marché et rentabilité. On murmure (de plus en plus fort) que les lois seraient fabriquées pour ces méga-sociétés (lobbying ?)! Des exemples ? Exonération de charges, subventions à l’emploi, chantage à l’emploi, les 35h, les bataillons d’apprentis, les normes d’hygiène et j’en passe !

DE 1 A 9 SALARIES : PAN SUR LA TOQUE !

On en arrive à notre « coup de gueule » ! Les restaurants intermédiaires situés entre les deux catégories sus-citées (les plus nombreux, comprenant entre 1 et disons…9 salariés !) sont les vaches à lait du système ! L’impact de la législation est bien différent selon la structure de la boutique ! Exemple ? La récente hausse du SMIC dans la restauration ! Tu paies au SMIC tes employés* ? Exonération de charges dans de nombreux cas (demandez à votre comptable) ! Et les congés supplémentaires ! La loi est plus ou moins indigeste selon le profil de l’établissement ! C’est OK pour les grosses structures ! Mais la mise en application de la législation ne fait que compliquer l’organisation humaine et aggraver la situation financière de la PME ! Facile à comprendre. Très grosse boutique : 5 cuisiniers. Réduction de 20% du temps de travail. On embauche un 6ème cuisinier. Reste que pour le resto « entre 1 et 9 salariés » impossible économiquement de « doubler » un poste ! Résultat : réduction des horaires d’ouverture de la boutique ! Ou le contraire, l’ouverture « 7j/7 » attestant d’un vrai courage de l’entrepreneur. Dans ces deux cas, la corde peut « casser » à tous moments !

ALLO ? ON A BESOIN DE BRAS !

Côté emploi, la demande est forte et l’offre insuffisante. Ça vous étonne ? Même que de janvier à juin 2002, les offres d’emplois dans la profession étaient 1,6 fois supérieure à la demande ! Contradiction ? Pas tant que ça ! Qui veut encore bosser le soir, le week-end, à la St Valentin, à Noël ? Pour le SMIC ? Qui ? Oui : ceux qui ont faim et pas le choix ! Mais pas ceux qui ont envie : ils existent mais sont rares…et tenaces !

BILAN : FAUT PAS CHERCHER « MIDI A 14 HEURES »

Débuts de solutions ? Moins taxer le travail ? compenser par l’impôt sur les bénéfices ? Ou alors, exonérer de certaines « charges » les salaires supérieurs d’au moins 40% du SMIC ! Et non pas exonérer le SMIC lui-même ! Un comble d’avantager celui qui paie le moins, non ? En plus, les employés auront de l’argent pour consommer. Et aller au resto par exemple ! Quoi ? Hein ? J’en entends un de derrière mon stylo qui me souffle que « c’est plus compliqué que ça… » ? Y en a toujours un l’air expert et grave qui vous assène que « c’est plus compliqué que ça ». Toujours. Comment ouvrir et péréniser un restaurant ? Tout en s’imposant un cahier des charges : produits de qualité, service pro, cave à vins sérieuse, plateau de fromage (j’y tiens !), rénovation ou amélioration des murs. Vous cherchiez quelque chose de compliqué ? Bingo ! ça, c’est compliqué !

Olivier Gros


*En 2000, le salaire net annuel moyen dans les CHR (temps complet) est de 14900€. Soit 11,3% inférieur à ceux du secteur privé et semi-public (source INSEE).