L'OS ET L'ARÊTE du Bouche à Oreille n°45 Mar 2003

Bruno et Chibois sur FR3 :

Crime de « truffe-majesté » en direct à la télé !

On peut difficilement suspecter Jacques Chibois d’être enclin à prôner la rébellion. Comme tous les restaurateurs qui ont trouvé une place confortable dans le panorama de la gastronomie régionale, il sait que faire des vagues n’est pas recommandé. Et pourtant. Quel plaisir il nous aura fait ce jour-là au BàO, le chef de la « Bastide St Antoine » à Grasse ! J’explique. Comme d’hab’ quand on cause « de truffe » à la télé, Bruno Clément le célèbre restaurateur de temps en temps à Lorgues et souvent à la télé, nous montre la sienne. Comme d’hab’, il est l’invité privilégié de FR3 Région. Cette année et peut-être histoire de se donner bonne conscience, FR3 aura invité dans la même émission Jacques Chibois. Mais en duplex de Cannes. Et non pas sur le même plateau que Bruno. C’est Bruno le roi, et un roi ne partage pas. Et surtout pas l’image de la truffe* qu’il veut sienne. C’est alors que largement assoupi devant l’incroyable pertinence des questions que pose le journaliste à Bruno, d’un coup, nos paupières gauche puis droite, se mettent au garde-à-vous ! En voulant justifier ses menus à base de truffes qu’il sert toute l’année, Bruno annonce que finalement, ni plus ni moins, toutes les truffes se valent. Ça doit l’arranger. Manque de pot, Jacques Chibois intervient et « remet en place » son confrère de Lorgues qui argumentait sur l’équivalence supposée et « apeupresque » de toutes les truffes. Contradiction de surcroît formulée avec une vraie élégance, même si transparaît une pointe d’irritation. Pas vraiment habitué à être sur la défensive sur le plateau de FR3, Bruno bafouille un vague contre-argument, et juste après, l’émission s’arrête, b’soir m’sieurs-dames, à demain si vous le voulez bien. Bref. Joli grain de sable. A mon avis, Jacques Chibois n’est pas près d’être invité sur FR3 pour parler de la truffe. Chasse gardée. Et c’est bien dommage. Car non seulement sa prestation du jour défend la corporation des restaurateurs** qui commencent à en avoir un peu ras-la-toque de l’OPA médiatique que Bruno exerce avec la truffe, mais en plus Chibois aura effectué un travail de contradicteur avisé. Attitude qu’on aime à observer habituellement chez un journaliste. Le problème pour FR3, c’est que ce comportement professionnel est bien moins douillet que celui de « passer les plats » aux invités. Car à l’instar du restaurateur qui a trouvé une place confortable dans le panorama de la gastronomie, le journaliste « installé » sait fort bien que dans le monde des médias, faire des vagues n’est pas recommandé.

Olivier Gros


*Bruno Clément vient de déposer le label « truffes noires de Provence ». Il veut créer un « Institut International de la truffe » à Aups dans le Haut-Var. (AFP)
**Concernant l’ « Institut International de la truffe », voici la blague du moment qui circule dans la bouche des restaurateurs : « Hé ! Tu connais la meilleure : Bruno va nous apprendre à cuisiner la truffe ! »