LE RASOIR À TROIS LAMES

Je vous parle d’un temps où le restaurant était une fête, un moment unique qui permettait de partager le temps en famille ou avec les amis. Parfois aussi avec ceux qui après vérifications d’affinités entreraient dans une de ces deux cases. Affinités découvertes lors d’un repas entre midi et deux, près du boulot. Si je pointe l’ongle là-dessus, ce n’est pas par nostalgie béate. Loin de là. Simplement, les comportements du consommateur de restaurants évoluent et il faut se rendre à l’évidence: un nombre important d’accrocs de la sauce et d’aficionados du mijoté ne va simplement plus au restaurant.

En premier lieu, par « manque de moyens financiers » directs ou parce qu’ « on ne sait pas de quoi demain sera fait » alors on met de l’argent de côté. Des réalités de plus en plus tangibles, hyperactives depuis mi-2008. Les « tickets-restaurants » du midi servent désormais à se payer le gigot du dimanche, mais à la maison, le gigot. Baisse de pouvoir d’achat et peur du lendemain: c’est la première lame du rasoir.

La deuxième lame, c’est le manque de motivation, d’envie. A quoi bon prendre le risque de se taper une déconvenue de table? Marre de payer des cafés plus de 2€ servis par des serveurs inaptes recrutés au rabais par des loulous affairistes calés derrière leur tiroir-caisse et qui attendent impatiemment que vous partiez et payiez la douloureuse si possible en espèces. Du coup, on préfère inviter les copains à la maison: on commande à un traiteur la daube de poulpe et la tarte tropézienne et l’affaire est dans le sac. En plus à la maison, on peut fumer et picoler. C’était la seconde lame.

La troisième lame vous rabote sournoisement le cervelet! Ce sont les médias qui volent au secours du consommateur, de la veuve et de l’orphelin. « Puisque la TVA baisse, les restaurants devront baisser leurs prix ». Inapte à filer du pouvoir d’achat, le gouvernement refile la patate chaude aux restaurateurs en leur demandant de baisser leurs tarifs. Sottises et paradoxe! Les plus sérieux restaurateurs auront rogné depuis longtemps leurs marges pour conserver ou se créer une clientèle! La troisième lame, ce sont les « médias perroquets du pouvoir » qui insinuent la malhonnêteté chez le restaurant qui suite à la baisse de la TVA ne répercutera pas ses prix! Elle se chargera de trucider le dernier poil d’appétence chez l’amoureux du restaurant. Ah! Ce rasoir à trois lames! C’est la barbe, non?

Olivier Gros